1989 - La femme de Rose Hill

(Sources : Internet – Droits réservés Alain Tanner © Filmograph SA, Gemini Films, CAB Productions SA)

Synopsis

Fiction – Marcel, qui tient avec sa mère une ferme en Suisse, s’est choisi une femme par correspondance, sur un catalogue d’agence. Julie, une belle Noire venue d’une île de l’Océan Indien, débarque en plein hiver dans le canton de Vaud. Renfermée sur elle-même, quasi muette, elle reste insensible aux sentiments bourrus de Marcel. Même après le mariage, elle continue à faire chambre à part et se mêle difficilement aux travaux de la ferme, si bien que Marcel lui donne le choix : être sa femme ou partir. Elle choisit la seconde solution et appelle à l’aide Jean, fils du riche briquetier local, qu’elle a rencontré lors d’une de ses fugues vers la ville proche. Jean l’installe dans un hôtel et en tombe amoureux. Pour donner à Julie un statut social et abriter leurs amours, Jean la met bientôt auprès de sa tante Jeanne, une originale tenue pour folle par sa famille. Mais lorsque Julie est enceinte, Jean refuse cette paternité. Julie, qui a autrefois perdu un enfant, décide, avec la complicité de Jeanne, de garder celui-ci. Elles mettent à la porte Jean. Son père s’inquiète de la passion déraisonnable de son fils, qui ne fait qu’amplifier à la naissance du bébé que les deux femmes refusent de lui laisser voir. Pour que Jean puisse un jour lui succéder à l’usine, son père fait intervenir le chef de la police locale pour obtenir l’expulsion de Julie, divorcée de Marcel et sans travail. Averti par Jeanne, Jean s’interpose et tue un policier tandis que Julie est emmenée vers l’aéroport.

(Sources : La Cinémathèque française – Copyright, 1995 CMC / Les Fiches du Cinéma)

Affiche du Film

(Sources: Cinémathèque suisse – Droits réservés Alain Tanner © Filmograph SA, Gemini Films, CAB Productions SA)

Photos du Film

(Sources: Swiss Films – Droits réservés Alain Tanner © Filmograph SA, Gemini Films, CAB Productions SA)

(Source et Droits réservés Alain Tanner © Filmograph SA, Gemini Films, CAB Productions SA)

(Sources: Internet – Droits réservés Alain Tanner © Filmograph SA, Gemini Films, CAB Productions SA)

(Source et Droits réservés Alain Tanner © Filmograph SA, Gemini Films, CAB Productions SA)

(Source et Droits réservés Alain Tanner © Filmograph SA, Gemini Films, CAB Productions SA)

(Source et Droits réservés Alain Tanner © Filmograph SA, Gemini Films, CAB Productions SA)

(Source et Droits réservés Alain Tanner © Filmograph SA, Gemini Films, CAB Productions SA)

Photos du tournage

(Sources: Swiss Films – Droits réservés Alain Tanner © Filmograph SA, Gemini Films, CAB Productions SA)

(Sources: Cinémathèque suisse – Droits réservés Alain Tanner © Filmograph SA, Gemini Films, CAB Productions SA)

Vidéo

Lire la vidéo

(Sources: DVD/Alain Tanner/AV World – Droits réservés Alain Tanner © Filmograph SA, Gemini Films, CAB Productions SA (ext))

Analyse

Analyse de Frédéric Bas

L’Afrique est une terre qui compte dans l’œuvre de Tanner. Dans « Le retour d’Afrique », le continent fonctionnait comme un hors champ majeur, le lieu même du désir du personnage, un lointain politique (le tiers-mondisme à la Frantz Fanon) et poétique (la langue d’Aimé Césaire). L’Afrique est au cœur de « La Femme de Rose Hill », mais elle n’est plus une métaphore, une terre fantasmée. Elle est un corps, celui d’une femme africaine dont le cinéaste nous raconte la solitude et l’errance en l’inscrivant dans le tableau suisse. C’est d’abord à cette confrontation des territoires que nous invite le film : mariée contre son gré à un paysan qui vit seul avec sa mère dans un coin perdu de Suisse romande, le personnage principal (Marie Gaydu) est plongé par Tanner dans un monde hostile qui nie tous ses désirs. Les traditions et les préjugés pèsent : « Il faut manger de tout », dit la mère, « Faut m’dire quand tu sors », dit le mari. Ce qui est interdit à Julie, c’est tout ce que le cinéma de Tanner propose comme voie au bonheur : liberté d’aller, de fuir le mauvais lieu, de se retrouver. Cette première partie qui dit l’impossible entente entre la beauté d’un corps et sa terre d’accueil reprend une ligne critique souvent vue chez le cinéaste : un portrait de la Suisse comme terre d’exil définitif où le fameux paysage éternel se retourne en son contraire : une immensité froide où les corps disparaissent, où l’identité est livrée au brouillard. C’est à redonner au personnage les conditions d’un bonheur possible que se consacre le deuxième temps du film. Ce n’est pas un hasard si la petite chambre d’hôtel où s’installe Julie est le premier endroit où elle revit : le lieu froid et impersonnel devient le plus chaud, celui d’une musique africaine retrouvée, où le corps se libère et danse. Dans « Le retour d’Afrique », déjà, une naissance justifiait que le couple renonce à son départ et joue à pile ou face son avenir à Genève, malgré les cloches capitalistes. Ici encore, c’est par l’enfant que Julie trouve des raisons de rester. En dépit du racisme ordinaire qui la prend pour cible et des phallocrates qui guident jusqu’à sa porte la police des frontières, « La Femme de Rose Hill » trouve une place dans la topographie utopique de Tanner.

(Alain Tanner – « Ciné-Mélanges » – Editions du Seuil – www.seuil.com – 2007)

Critique

Les critiques

Sur les écrans romands dès septembre 1989, il est également diffusé sur la RAI 3 puis distribué en Suisse alémanique et à Paris en novembre 1989. La critique traversée, en Suisse et en France, est en général assez positive. Les journalistes interviennent sur plusieurs points : tandis qu’ils essaient d’intégrer ce nouveau film dans la carrière de Tanner, beaucoup sont déconcertés par son contenu (un sujet politique ? Une histoire d’amour ?) ; la fin violente notamment, qui rompt le ton du récit, en surprend plus d’un. Un grand nombre d’entre eux apprécient la mise en scène, le style et le montage, relevant la démarche du cinéaste ; pour certains cependant, le minimalisme des effets et les ellipses nuisent à l’approfondissement du sujet, à son ancrage dans la réalité et à l’émotion, absente. Si le film est dérangeant, il a le mérite de forcer le spectateur à réviser son regard. Enfin, le rédacteur de « L’Hebdo » s’interroge sur le rejet du film à Venise (sa conclusion pessimiste a notamment heurté les festivaliers) : le film est-il trop inscrit dans la réalité suisse pour toucher d’autres pays ?

(Sources : Louise Monthoux-Porret – « Histoire du cinéma suisse de 1962 à 2000 » sous la direction d’Hervé Dumont et de Maria Tortajada – Editions Cinémathèque suisse et Gilles Attinger – 2007)

Contexte

Contexte historique

Avec « La Femme de Rose Hill », qu’il réalise après « La Vallée fantôme » (1987), Alain Tanner s’inspire d’un phénomène social apparu quelques années auparavant dans les campagnes de Suisse romande : l’arrivée de Mauriciennes invitées par des paysans en quête d’épouses par le biais de petites annonces. Jean-Louis Roy est le premier à avoir décrit ces couples mixtes dans un reportage qu’il signe en 1984 pour la TSR (Temps Présent) intitulé « Romands d’amour ». Tanner, qui se méfie des « bons sujets », ceux qui peuvent « faire penser que le film est gagné d’avance », choisit d’épurer son récit, en éliminant tout le terroir, la vie campagnarde, les cafés, « afin d’éviter tout aspect anecdotique, folklorique ou sociologique ». Ce qui l’intéresse, c’est « le côté emblématique et surtout la rencontre de gens qui croisent leur destin ». Le sujet étant finalement secondaire, Tanner privilégie le filmage, en travaillant « essentiellement à l’autonomie du plan » : « Dans chaque plan il y a pour moi tout l’enjeu du film », résume-t-il. S’il pratique ainsi, c’est pour maintenir une distance avec son histoire sans s’y investir émotionnellement. L’opérateur du film est Hugues Ryffel, qui en est à sa deuxième collaboration avec Tanner, après « Messidor » (1979) et avant « Requiem » (1998). Les coûts de cette coproduction franco-suisse s’élèvent à 1’390’000 fr., le 35% étant pris en charge par le coproducteur étranger. Les six semaines de tournage dans la campagne vaudoise ont lieu en deux temps, en février puis au début de l’été 1989. La première de « La Femme de Rose Hill » a lieu à Venise (compétition) en septembre 1989. Le film est ensuite présent dans plusieurs festivals internationaux en 1989, 1990 et 1991… « La Femme de Rose Hill » reçoit une prime fédérale à la qualité de 40’000 fr.

(Sources : Louise Monthoux-Porret – « Histoire du cinéma suisse de 1962 à 2000 » sous la direction d’Hervé Dumont et de Maria Tortajada – Editions Cinémathèque suisse et Gilles Attinger – 2007)

Par Alain Tanner

« Un bon sujet, c’est quelque chose qui, au départ, occupe tout le terrain parce qu’il a une certaine importance dans la vie de la société, au plan du débat des idées ou simplement sociologique. Le racisme, par exemple. Et qui peut faire penser que le film est gagné d’avance. Si vous faites un film sur le racisme, et que vous êtes contre, vous mettez déjà le spectateur de votre côté, avant d’avoir tourné un mètre de pellicule. Mais pour moi un film doit se gagner à la mise en scène, à la « mise en film » plutôt, et non pas sur les bons sentiments ou les astuces qu’on peut trouver dans le scénario. D’où effectivement la difficulté d’un sujet comme celui-ci.

Je ne l’ai pas vraiment choisi. Du reste, il est toujours préférable « d’être choisi » par un projet plutôt que de le choisir soi-même. Il arrive parfois qu’une seule image, le désir d’un seul plan s’impose à vous avec une telle force qu’un film entier en découle par la suite. Ici, c’est simplement d’avoir vu un jour une femme noire dans un petit village vaudois qui m’a décidé. C’était bien plus une affaire de peau que l’idée d’un message qui pouvait naître de cette situation.

Mais si au sens large, le thème du rapport nord-sud sous-tend le film, et si je fais en quelque sorte le portrait d’une femme noire, c’est aussi parce que j’aime ce personnage un peu plus que les autres, j’ai essayé d’éviter à tout prix le manichéisme. Tous, dans cette histoire, ont leurs « bonnes raisons », et leurs petits calculs. Je pense aussi qu’il n’est pas plus mal de parler de choses qui se passent en ce moment sous nos yeux et le racisme, même s’il n’est pas ici vraiment le sujet du film, ça existe aussi. Mais en fin de compte, le sujet c’est secondaire.

Ce qui est le plus important, c’est le filmage. C’est le « comment » et non pas tellement le « quoi » dire. Il ne faut pas raconter n’importe quoi, mais c’est tout de même comment on le raconte qui importe. A une époque de standardisation, de banalisation des images, le salut (et le risque) c’est de travailler sur la singularité de la forme. Non pas pour faire de la forme à tout prix, et tomber dans le maniérisme, mais parce que c’est par là que passe le sens. Au travers du regard, qui ne peut être qu’un regard personnel, individuel. Et cela constitue un défi, car aujourd’hui, c’est la forme qui est barrée. On peut raconter tout ce qu’on veut, il n’y a plus de censure sur les contenus, mais toute forme un peu singulière fait immédiatement problème. C’est ici que se trouve l’enjeu. Le seul enjeu qui mérite qu’on fasse encore du cinéma. Autrement, on ne fait que « raconter des histoires ».

(Alain Tanner, Dossier de presse du film, 1989 – Sources: Alain Tanner-John Berger, Tome 23, Coll. Théâtres au Cinéma, Bobigny 2011)

Fiche technique

Titre:
La Femme de Rose Hill
Die Frau aus Rose Hill
La ragazza di Rose Hill
The Woman from Rose Hill
Année: 1989
Genre: Fiction
Scénario: Alain Tanner
Réalisation: Alain Tanner
Assistant réalisation: Dominique de Rivaz, Xavier Grin
Photographie: Hugues Ryffel
Assistant photo: Philippe Cordey
Son: Jean-Paul Mugel, Laurent Poirier (assist.), Bernard Chaumeil (assist.)
Musique: Michel Wintsch
Décors: Stéphane Lévy
Maquillage: Emanuelle Olivet
Costumes: Valérie De Buck
Montage: Laurent Uhler, Daniel Gibel (assist.)
Script: Josiane Morand
Photos sur pl.: Simone Oppliger
Technique :
Production: Paulo Branco (prod. ass.), Filmograph SA (Alain Tanner), Gemini Films (FR) (Paulo Branco), GPFI (FR), WDR (DE), TSR, Film Four International (GB), Airone Cinematografica (IT)
Dir. de prod.: Pierre-Alain Schatzmann CAB Productions (Jean-Louis Porchet, Gérard Ruey) (prod. ex.)
Assist. de prod.: M. Trisconi
Régie: Eliane Brönimann
Distribution: Sadfi SA
Format: 94 min. 35 mm coul.
Tournage: janvier/février 1989, Juin 1989, Genève, Sugnens, Poliez-Pittet (VD)
Sortie: septembre 1989 (Venise), septembre 1989 (Genève « Rex »), octobre 1989 (Zurich « Nord-Süd »), novembre 1989 (Paris), octobre 1990 (Stockholm)
Festivals: Venise 1989, Londres 1989, Istanbul 1990, Soleure 1990, Montevideo 1990, Locarno (Festival del film Locarno – Nouveaux films suisses) 1990, Sydney 1990, Munich 1990, Madras 1991.
Droits mondiaux:
Version originale:
DVD:

(Sources: Cinémélanges – Swissfilms – Cinémathèque française – Louise Monthoux-Porret – « Histoire du cinéma suisse de 1962 à 2000 » sous la direction d’Hervé Dumont et de Maria Tortajada – Editions Cinémathèque suisse et Gilles Attinger – 2007)

 

Générique artistique

Interprètes:

  

Julie

 

Marie Gaydu

 

Jean

 

Jean-Philippe Ecoffey

 

Jeanne

 

Denise Péron

 

Marcel

 

Roger Jendly

 

La mère de Marcel

 

Louba Guertchikoff

 

Le père de Jean

 

André Steiger

 

Le commissaire

 

Jacques Michel

 

L’amie de Jean

 

Marie-Christine Epiney

 
  Cats Besançon 
  Sarah Chaumette 
  Michel Demierre 
  Gilles Durand 
  Miguel Fernàndez 
  Georges Grbic 
  John Gutmann 
  Jacques Meystre 
  Ronnie Mueller 
  Geneviève Pasquier 
  Yann Pugin 
  Kathia Scarton 
  Fabienne Schnorf 
  Jean-Luc Taillefer 
  Cécile Tanner 
  Raoul Teuscher

(Sources: Louise Monthoux-Porret – « Histoire du cinéma suisse de 1962 à 2000 » sous la direction d’Hervé Dumont et de Maria Tortajada – Editions Cinémathèque suisse et Gilles Attinger – 2007)

Partenaires officiels