1995 - Les Hommes du Port

(Sources : Swiss Films – Droits réservés Alain Tanner © Arion films (France) – Arte Télévision (France) – Thelma Films (Suisse))

Synopsis

Documentaire – Regard personnel sur le port de Gênes, alliant un portrait des dockers et un travail de mémoire. D’une part, les « portuale » retracent leur histoire au sein de la Compania Unica del porto di Genova (fraternité des travailleurs du port de Gênes), qui propose un mode collectif d’organisation du travail et s’engage politiquement (mobilisation de juin 1960 contre la tenue à Gênes d’un congrès néo-fasciste, refus de décharger les navires acheminant des armes, etc.). Mais il ne reste plus que 10% des effectifs de la Compania, la révolution technologique et la privatisation des ports par Berlusconi de la fin des années soixante ayant eu raison de cette démocratie ouvrière. D’autre part, passé et présent s’articulent autour du réalisateur qui travaille pour une firme génoise au début des années 1950. Tanner reprend contact avec sa jeunesse, la ville et les hommes du port, dont il découvre la réalité, mêlant au leur son discours de cinéaste engagé.

(Sources : Ingrid Telley – « Histoire du cinéma suisse de 1962 à 2000 » sous la direction d’Hervé Dumont et de Maria Tortajada – Editions Cinémathèque suisse et Gilles Attinger – 2007)

Affiche du documentaire

(Sources : Thelma Film – Droits réservés Alain Tanner © Arion films (France) – Arte Télévision (France) – Thelma Films (Suisse))

Photos du documentaire

(Sources : Swiss Films – Droits réservés Alain Tanner © Arion films (France) – Arte Télévision (France) – Thelma Films (Suisse))

(Sources : Thelma Film – Droits réservés Alain Tanner © Arion films (France) – Arte Télévision (France) – Thelma Films (Suisse))

(¨Sources : Swiss Films – Droits réservés Alain Tanner © Arion films (France) – Arte Télévision (France) – Thelma Films (Suisse))

Photos du tournage

(Sources : Swiss Films – Droits réservés Alain Tanner © Arion films (France) – Arte Télévision (France) – Thelma Films (Suisse))

(Sources : Swiss Films – Droits réservés Alain Tanner © Arion films (France) – Arte Télévision (France) – Thelma Films (Suisse))

(Sources : Swiss Films – Droits réservés Alain Tanner © Arion films (France) – Arte Télévision (France) – Thelma Films (Suisse))

Vidéo

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Analyse

Analyse de Frédéric Bas

À voir « Les hommes du port », on regrette qu’Alain Tanner, qui a été longtemps reporter pour la télévision suisse, n’ait pas davantage travaillé le genre documentaire. Il aurait sans doute rejoint la catégorie des documentaristes arpenteurs, les Robert Kramer ou les Van der Keuken, avides d’espaces et de rencontres, soucieux surtout de trouver une forme cinématographique qui permette de rendre compte de l’expérience du voyage. Film de commande, « Les hommes du port » permet à Tanner de revenir sur ses années de jeunesse, sur ce moment où il quitta Genève pour travailler dans la marine marchande. Dans cette aventure maritime tellement formatrice pour le futur cinéaste, la ville et le port de Gênes occupent une place à part. La voix d’Alain Tanner, qui sert de guide aux retrouvailles avec la ville, nous apprend que le cinéaste l’a découverte dès l’âge de seize ans pour « vérifier sur place l’impression des films néo-réalistes », ce qui constitue l’unique aveu cinéphilique de toute son œuvre. C’est toutefois plus tard qu’a commencé sa relation forte à la ville, quand il travaillait comme « petit bureaucrate fauché » dans une compagnie maritime, et que les dockers du port l’impressionnaient tant. Le film commence d’ailleurs quand le fil autobiographique déroulé par la voix off croise l’expérience collective des dockers de Gênes, qui en devient le sujet principal. Les raisons qui expliquent l’intérêt, voire l’admiration du cinéaste pour cette expérience, ne manquent pas. D’abord, la Compagnie unique du travail qui regroupe les dockers est une entreprise humaine autant que professionnelle. Tanner ne pouvait qu’être emporté par le récit de cette utopie réalisée où la force de travail et la pensée vont de pair et forment une culture au sens le plus fort : « Être docker, ce n’est pas qu’un travail, c’est une façon de vivre. » Quand le cinéaste filme en gros plan la main du docker guidant le chargement des caisses, il le fait comme s’il filmait la main d’un Karajan et réalise en images le vers de Rimbaud : « La main à plume vaut la main à charrue ». « Les hommes du port », c’est aussi une célébration élégiaque, l’éloge d’un monde disparu qu’accompagne la sublime musique d’Arvo Pärt. C’est l’autre thème que Tanner met en scène. À mesure que le film avance, une mélancolie s’installe et prend la ville ancienne comme témoin de l’engloutissement : plans des rues désertes et « peuplées de fantômes », travellings déchirants depuis le viaduc qui coupe le port des belles façades de la vieille ville et dont la vitesse automobile s’oppose au rythme idéal des cargos. Aujourd’hui, au temps des containers et de la marchandise anonyme, il est plus difficile de rêver aux cargos comme à une « idée du travail, la captation de toute la matière du monde ».

(Alain Tanner – « Ciné-Mélanges » – Editions du Seuil – www.seuil.com – 2007)

Critique

Les critiques

La première a lieu en mars 1995 à Paris, en ouverture du Cinéma du Réel, festival international de films ethnographiques et sociologiques, et « Les hommes du port » sort dans la foulée en salles à Paris. L’accueil du public est excellent. Le rédacteur de « Libération », dans un article très positif, insiste sur le ton très singulier d’un film tourné à la première personne qui permet à Tanner de boucler la boucle, de revenir dans cette Italie où il avait débarqué en 1947, entre autres par amour du cinéma néo-réaliste, et d’ »enregistrer l’écart qui l’en sépare désormais ». « Les hommes du port » est distribué dans les salles alémaniques et romandes dès le début 1996. A l’occasion du festival de Soleure (qui accueille aussi une rétrospective consacrée à Tanner) et de la sortie zürichoise, la presse alémanique relève l’alliance réussie entre engagement social, nostalgie militante et poésie. Quant au rédacteur de la revue « Zoom », le cinéaste Alexander J. Seiler, il se montre particulièrement impressionné par le travail sur le visage des dockers, modelés par leur vie, un travail auquel il ne trouve pas d’égal dans le cinéma européen des vingt dernières années.

(Sources : Ingrid Telley – « Histoire du cinéma suisse de 1962 à 2000 » sous la direction d’Hervé Dumont et de Maria Tortajada – Editions Cinémathèque suisse et Gilles Attinger – 2007)

Contexte

Contexte historique

Réalisé après « Le journal de Lady M » (1993), « Les hommes du port » est le premier documentaire de cinéma qu’Alain Tanner tourne depuis « Les apprentis » (1964). C’est en 1947, à l’âge de 17 ans, que le réalisateur, qui se passionne alors pour le cinéma néo-réaliste italien, arrive à Gênes : « J’étouffais en Suisse, se souvient-il, et je voulais fuir à tout prix l’installation dans la vie et toutes les professions auxquelles mon titre universitaire m’aurait donné accès. J’ai trouvé un premier stage sur un cargo qui cabotait le long des côtes algériennes et je suis ensuite parti à Gênes dans l’espoir de m’embarquer un jour (…). J’y suis resté deux ans, en travaillant au service de l’immigration d’une grande compagnie puis, un beau matin, ce fut le grand départ. J’avais sous mes pieds le pont d’un cargo qui partait faire le tour de l’Afrique… » De retour à Gênes en 1994, pour le tournage de son documentaire, il se confronte au passé, la mémoire étant pour lui « essentiellement une affaire de lieux ». Pour conduire les entretiens avec les dockers, Tanner fait appel à Giairo Daghini, un Tessinois membre du groupe d’extrême gauche italien Potere Operaio qui a dû rester en Suisse à la fin des « années de plomb »: confronté à son passé, Daghini devient vite un participant du film. Commandités par La Sept/Arte, Les Films du Cyclone et Gaumont TV, « Les hommes du port » devait être le premier volet d’une série de documentaires sur les grandes villes portuaires, idée qui sera abandonnée… En 1996, le DFI octroie à Tanner une prime à la qualité (27’000 fr.) et une aide à la distribution (20’000 fr.).

(Sources : Ingrid Telley – « Histoire du cinéma suisse de 1962 à 2000 » sous la direction d’Hervé Dumont et de Maria Tortajada – Editions Cinémathèque suisse et Gilles Attinger – 2007)

Par Alain Tanner

Texte de présentation du film, 1971

Nulle part ailleurs – même chez les mineurs du pays de Galles, qui ont une culture peu comparable et que j’ai filmé en 1966 -, je n’ai pu constater à ce point que lorsque l’homme, au sein d’un collectif comme celui-là, a la maîtrise totale de son travail, il a la maîtrise de sa vie. Le sculpteur nous disait, au volant de son poids lourd, qu’il n’y avait pas de différence entre le travail manuel et le travail intellectuel. Un jour après avoir vu « Les Hommes de Gênes », un anthropologue  m’a dit : « C’est curieux, ces gens n’ont pas l’air du tout d’ouvriers accablés par leur labeur, ni de paysans, ni d’employés de bureau. Ils ne ressemblent à personne. » Ils sont simplement des dockers du port de Gênes. Mieux, ils appartiennent à ce qu’on peut appeler une aristocratie ouvrière. Les aristocrates, les autres, ont été pendus à la lanterne. Eux nous ont redonné quelques espoirs. Ils ont une culture, le port lui-même est une culture. À la fin du film, je n’ai pas pu m’empêcher de citer Albert Camus : « Tout ce qui dégrade la culture, raccourcit les chemins qui mènent à la servitude. »

(Alain Tanner – « Ciné-Mélanges » – Editions du Seuil – www.seuil.com – 2007)

Fiche technique

Titre :
Les hommes du port
Année : 1995
Genre : fiction
Scénario :
Réalisation : Alain Tanner
Assistant réalisation : Stéphane Riga
Photographie : Denis Jutzeler
Assistant photo :
Son : Henri Maikoff, Hans Künzi (mixage)
Musique, choix mus. : Arvo Pärt
Décors :
Maquillage :
Costumes:
Montage : Monika Goux
Script :
Photos sur pl. :
Technique :
Collaboration : Giairo Daghini
Production : La Sept (FR), Arte (FR, DE) (Thierry Garrel), TSR Genève, Thelma Film AG Zurich (Pierre-Alain Meier), Les Films du Cyclone (FR) (Michaël Crotto), Arion Productions Sàrl (FR) (Patrick Sandrin), Gaumont TV (Christian Charret)
Dir. de prod. : Catherine Jacques, Michaële Bouchon (administration)
Assist. de prod. : Armelle Bayle, Stephenie Hernandez
Régie :
Distribution : Look Now!
Format : 65 min. 35 mm coul.
Tournage : 1995
Sortie : mars 1995 (Paris – 14-Juillet-Beaubourg), mars 1995 (Paris – Centre Pompidou), mai 1995 (Arte), janvier 1996 (Zurich – Movie 1), février 1996 (Lausanne – Bellevaux), novembre 1996 (Berne – Reitschule), décembre 1996 (Suisse 4)
Prix :
Festivals : Dunkerque 1995, Nyon (en compétition) 1995, Paris (Cinéma du réel, séances spéciales) 1995, Potsdam 1995, Soleure 1996, Minneapolis / St. Paul 1996, Namur (en compétition) 1996, San Francisco 1996
Droits mondiaux :
Version originale :
DVD :

(Sources : Cinémélanges – Swissfilms – Ingrid Telley – « Histoire du cinéma suisse de 1962 à 2000 » sous la direction d’Hervé Dumont et de Maria Tortajada – Editions Cinémathèque suisse et Gilles Attinger – 2007)

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