2003 - Paul s'en Va

(Source et Droits réservés Alain Tanner © Filmograph (Suisse))

Synopsis

Momo et Mouche ont passé la nuit ensemble. Ils se rendent au conservatoire. Inquiétude : Paul, leur professeur, ne vient pas. Ses jeunes comédiens sont désemparés. Leurs conversations les révèlent : l’une fut visiblement l’amante de Paul, un autre le déteste. Mais la disparition du maître a été préparée : Paul a conçu pour ses dix-sept élèves une séries d’épreuves. Les traces que Paul a laissées sont des textes à lire, méditer, de petites choses, en apparences anodines, à réaliser. Tous s’y mettent, arpentant la ville, déclamant Pasolini, Paz, Guyotat. Michel et Margot vont chez Paul : appartement vide, l’ordinateur ne livre que quelques secrets. Nouvelle épreuve : écrire et jouer une pièce, inspirée de l' »Ubu » de Jarry, montrer le monde tel qu’il est devenu. L’idée n’est pas longue à germer : le père Ubu et George W. Bush sont si proches l’un de l’autre ! La pochade anti-américaine détend l’atmosphère. Sa réussite laisse la place à la dernière épreuve : s’emparer, à nouveau, de la parole donnée aux autres pour trouver la leur. Entre temps, Momo, dans ses errances, a croisé Paul et l’a interpellé. Paul s’est retourné, puis a disparu, sans dire un mot. « Etait-ce bien lui ? » doutent les autres. Ils déclament à tour de rôle, Musil, Michon, Brecht, Pessoa ou Artaud, et terminent par un hymne à la vie et à la liberté.

(Sources : La Cinémathèque française – Copyright, 1995 CMC / Les Fiches du Cinéma)

Affiches du Film

(Source et Droits réservés Alain Tanner © Filmograph (Suisse))

Photos du Film

(Source et Droits réservés Alain Tanner © Filmograph (Suisse))

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Photos du tournage

(Source et Droits réservés Alain Tanner © Filmograph (Suisse))

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Vidéo

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Analyse

Analyse de Frédéric Bas

À propos de « Paul s’en va », Alain Tanner a déclaré que le film creusait un « sillon tracé depuis longtemps » dans son cinéma : « le passage du témoin, la transmission de connaissances d’une génération à l’autre […], non pas tellement au sens pédagogique, mais afin de garder vivante la mémoire, ce fil rouge qui traverse le temps et nos vies, et que tout menace aujourd’hui. » Fruit d’une rencontre entre le cinéaste et les dix-sept élèves comédiens de l’École supérieure d’art dramatique de Genève, le dernier film de Tanner réactive assurément le thème de la transmission qui nourrit ses films depuis le premier « Jonas ». Il le fait surtout sur le fond d’une crise de sens du monde contemporain dont « Paul s’en va » dresse un état des lieux juste et lucide. Alain Tanner et son scénariste Bernard Comment plongent dix-sept jeunes gens dans le trouble d’une disparition : celle de Paul B., leur professeur de sémiologie. En les quittant, le philosophe-enseignant leur a laissé quelques traces, des petits exercices-miroirs qui les révéleront à eux-mêmes : faire la chasse aux signes dans un centre commercial, partir interroger un ancien brigadiste de la guerre d’Espagne, écrire une farce théâtrale sur le post-11 septembre 2001 en s’inspirant d’Alfred Jarry et de son « Père Ubu ». Mais la présence-absence de Paul auprès des élèves ne s’exprime pas seulement par ces petits travaux. En effet, « Paul s’en va » est traversé par des moments hors temps, où chacun des dix-sept personnages lit et dit des textes d’auteurs dont les noms s’inscrivent à l’écran : Pasolini, Césaire, Céline, Guyotat… C’est le surmoi de Paul B. qui s’y entend et, à travers lui, le désir d’Alain Tanner de faire pièce à la laideur du monde et au pessimisme qu’il inspire en convoquant la poésie et l’intelligence.

(Alain Tanner – « Ciné-Mélanges » Editions du Seuil – www.seuil.com – 2007)

Contexte

Contexte par Alain Tanner

Zèbre – Mes parents, alors que je rentrai d’Afrique, après mes escapades maritimes, et que j’avais décidé de partir à Paris pour y faire du cinéma, se faisaient un peu de souci pour mon avenir. Ils disaient : « Tu es décidément un drôle de zèbre. » Lorsqu’il est pourchassé par des lions, le zèbre court très vite et il arrive souvent à leur échapper. La vie passe aussi vite que la course du zèbre, et un jour il faut poser ses valises. Donc, j’ai décidé de faire mes adieux avec « Paul s’en va ». Un peintre, un écrivain peint ou écrit jusqu’à la fin de sa vie. Les cinéastes qui arrêtent de tourner, c’est généralement parce qu’ils sont fatigués ou hors circuit, mais ils ne l’annoncent pas. Moi j’ai préféré le dire, pour donner les raisons qui motivent cette décision. C’est vrai aussi qu’après cinquante ans de cinéma et à soixante-quinze ans, on n’a plus l’énergie de ses trente ans et on peut avoir le sentiment d’avoir fait le tour de la question. Certains ont manifesté leur regret de cette décision, d’autres s’en sont réjouis. Je n’ai pour ma part aucune amertume, aucun regret. Aujourd’hui, je me sens tout à coup très léger. Rien de plus agréable que de ne pas avoir de projet de film, dans les circonstances actuelles. Ceux qui sont dépendants d’une drogue disent : « I’ve got a monkey on my back (« J’ai un singe sur le dos »). » Mon singe à moi s’en est allé, et on s’est fait de petits signes d’adieux et d’amitié. Si j’ai décidé d’arrêter de tourner, c’est aussi que je pouvais avoir de bonnes raisons de le faire. D’abord, même si je pourrais encore dire « moteur » et « coupez » avec plaisir et désir, tout ce qui se passe avant un tournage, les problèmes de financement du film ou, après, ceux de sa diffusion, sont devenus un tel marécage que je n’ai plus la moindre envie d’y mettre les pieds. Certes, il se tourne encore beaucoup de bons films, mais la plus grande partie d’entre eux ne trouvent plus de place sur les écrans. Le marché, de par sa concentration au travers des grands groupes financiers, se verrouille petit à petit. Et ce sera pire avec l’arrivée du numérique. J’ai vu, au fil des années et dans tous les pays – j’avais un excellent poste d’observation pour cela –, les chances des films qui manifestent une certaine exigence se réduire comme une peau de chagrin.

Paul, c’est le nom que j’ai donné à tous les personnages avec lesquels j’ai quelque affinité ou quelque chose à voir. On m’avait proposé de faire un stage de deux mois de cinéma avec les étudiants de dernière année de l’École supérieure d’art dramatique de Genève, stage qui pouvait prendre la forme d’un film. Bien avant la date prévue, j’ai rencontré très souvent ces dix-sept étudiants comédiens, pour parler de cinéma avec eux et surtout pour les connaître et les voir au travail. J’y ai pris beaucoup de plaisir, et j’ai fini par tisser des liens qui n’étaient plus ceux de professeur à élève. Quand arriva le moment de préparer le film, j’étais un peu pris au piège. Je n’avais pas la moindre envie de raconter une histoire, avec ces onze filles et six garçons, où trois d’entre eux auraient joué les rôles principaux, trois autres des rôles secondaires et le reste aurait fait de la figuration. Il me les fallait tous, je les aimais tous et j’étais face au problème de faire un film avec dix-sept rôles principaux. Avec mon coscénariste, Bernard Comment, nous avons alors décidé de les prendre pour ce qu’ils étaient, c’est-à-dire, en tant que futurs comédiens, les vecteurs de la parole des auteurs. Nous avons donc choisi d’axer le scénario autour du verbe, des mots, et d’une quinzaine de citations. Ces citations d’auteurs très variés avaient deux facettes. L’une était imprécatoire, liée à l’état du monde d’aujourd’hui, et l’autre reposait sur la beauté du texte. Aujourd’hui, il y a trop d’images partout, elles sont prisonnières du système qui les engendre. Antonio Tabucchi a dit : « La parole, elle, a des ailes, elle vole dans les airs et ne peut être enfermée dans un tube cathodique. » Nous avons aussi essayé de cerner la beauté dans le film, et je n’oublie pas ici le travail du chef opérateur, Denis Jutzeler. Filmer la beauté du monde, des visages et des corps, et dire aussi que si le mensonge recouvre tout, c’est une façon de lui résister. Pour le dernier plan du film, et le dernier plan que j’aurai tourné dans ma vie, Rimbaud est venu souffler très fort dans les cheveux des personnages. Dans le contre-jour du soleil couchant, les cheveux des filles volaient dans le vent comme des flammes. C’était un vrai bonheur. J’ai été extrêmement heureux sur le tournage de ce petit film que j’aime beaucoup. Il est sorti dans l’indifférence générale, et, chose surprenante, en butte à l’hostilité de gens qui ne l’avaient pas vu. En revanche, ceux qui l’ont vu l’ont beaucoup aimé.

Depuis, un olivier pousse dans mon jardin. Il y a des cadeaux agréables, utiles ou conventionnels. Les cadeaux intelligents et surprenants sont plus rares. Après la fin du tournage, les dix-sept comédiens, sachant que j’avais un jardin, m’ont offert cet olivier. J’étais extrêmement surpris et touché. Ils avaient suspendu aux branches dix-sept rubans rouges qui portaient chacun leur nom. L’olivier est un arbre merveilleux, et en même temps chargé de symboles. Le mien pousse bien. Il a doublé de volume en deux ans, et ma femme, qui a la main verte, prend bien soin de lui. Elle l’arrose en été et l’emmitoufle pour qu’il passe l’hiver.

L’olivier peut vivre mille ans. J’espère que le mien en fera autant. Moi, pendant un demi-siècle, j’ai essayé tant bien que mal d’être un fidèle serviteur de mon art, comme dit Jean-Marie Straub. On dit qu’avec l’âge, on devient un peu sentimental. Alors, amis comédiens et techniciens, compagnons de l’écriture et de la production, je vous salue tous du fond du cœur.

(Alain Tanner – « Ciné-Mélanges » Editions du Seuil – www.seuil.com – 2007)

Par Alain Tanner

« C’est le fruit d’une rencontre avec ces étudiants de deuxième année, explique Alain Tanner. J’ai été séduit par leur enthousiasme, leur désir de jouer, de découvrir les grands textes. Pendant un an, Bernard Comment, mon coscénariste et moi, nous les avons observés dans leur travail, étudiés, interviewés. Je leur ai montré mes films. Nous les avons commentés ensemble. Nous avons pris alors la décision d’axer le film sur la parole à la lumière du monde d’aujourd’hui. J’y ai ajouté des textes d’auteurs et d’artistes que j’aime : Robert Musil, Pasolini, Artaud, Michon, Gabily, Brecht, Aimé Césaire. Je voulais aussi donner à chacun des dix-sept acteurs un rôle équivalent. Il m’a donc fallu trouver une idée scénaristique le permettant. J’ai donc imaginé deux petits personnages en m’inspirant de la personnalité de chacun. »

« Je n’ai pas changé depuis les années 60-70. Je n’ai jamais été un militant mais je reste fidèle à mes idées. Je défends les droits des femmes. Je combats toujours les bourgeois, le capitalisme, la mondialisation, les politiques imbéciles. Je me suis donc payé avec délectation la tête de Bush. Le monde se déglingue de plus en plus. Les jeunes n’ont plus de repères, de conscience politique. Sur les dix-sept jeunes, seuls six m’ont accompagné à la manifestation du G8. Je suis pessimiste quant à leur avenir. Eux, au contraire, sont confiants. Ils ont une pulsion de vie et d’espoir. Ils sont prêts à rebondir. Cela se sent dans le film. »

« A force d’être marginal, la marge se rétrécit comme une peau de chagrin, renchérit Alain Tanner. A 75 ans, j’en ai marre de me battre pour trouver un financement. Marre aussi d’être obligé de faire ensuite la promotion. Paul s’en va est mon dernier film. J’ai eu de la chance jusqu’à présent. Grâce au succès international de La Salamandre que je n’attendais pas, j’ai pu produire mes vingt et un films et rester complètement indépendant artistiquement. Aujourd’hui, c’est de plus en plus difficile de trouver les moyens de ses rêves. Je choisis donc de me retirer pour écrire. »

(Alain Tanner, Entretien avec Brigitte Baudin, Le Figaro, 28 janvier 2004 – Sources: Alain Tanner-John Berger, Tome 23, Coll. Théâtres au Cinéma, Bobigny 2011)

Fiche technique

Titre : Paul s’en va
Année : 2003
Genre : fiction
Scénario : Alain Tanner, Bernard Comment
Réalisation : Alain Tanner
Assistant réalisation :
Photographie : Denis Jutzeler
Directeur de casting :
Assistant photo :
Son : Christophe Giovannoni
Musique :  Michel Wintsch
Décors :
Maquillage :
Costumes :
Montage : Max Karli
Script :
Photos sur pl. :
Technique :
Production : Paulo Branco – Gémini Films (Paris),Alain Tanner – Filmograph (Genève)
Co-production : CAB Productions (Lausanne), SRG – Schweizerische Radio-und Fernsehgesellschaft (Zurich),

SSR – Société Suisse de Radiodiffusion et Télévision Coproduction, TSR – Télévision Suisse Romande (Genève)
Dir. de prod. :
Assist. de prod. :
Régie :
Distribution : Gémini Films (Paris)
Format :
Tournage :
Sortie :
Prix :
Festivals :
Droits mondiaux :
Version originale :
DVD :

(Sources : « Ciné-Mélanges » – Swissfilms – Sources Cinémathèque française)

 

Générique artistique

Interprètes :

 



Madeleine

 

Madeleine Piguet

Marco

 

Julien Tsongas

Margot

 

Lucie Zelger

Marie

 

Pauline Le Comte

Marina

 

Julia Batinova

Marion



Nathalie Dubey

Mathias

 

Guillaume Prin

Mathilde

 

Anna Pieri

Mattéo Dimitri Janin
Maxime Romain Bevierre
Mélanie Carine Sechehaye
Michel Fahid Taghavi
Mirabelle Stefanie Gunther
Mirella Tatiana Auderset
Momo Aquilino Ascension
Monica Rachel Gordy
Mouche Anouk Mettaz

(Sources : La Cinémathèque française)

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